Dodécathlon 20.12

Après 20 ans, maintenant 12 mois, pour 12 défis un peu fous...

lundi 23 avril 2012

Jongler avec les options...

Michel Cusson et moi au départ du défi Montréal-Québec
qui a dû être avorté moins de 3 heures plus tard
Pour tous ceux ou celles qui ne le sauraient pas déjà, le défi Montréal-Québec est partie remise.  Une forte irritation du jambier antérieur a fait en sorte que si j'ai pu prendre le départ au pied de la croix du Mont-Royal vendredi 6 avril, je savais déjà qu'il y avait un fort risque d'interrompre en cours de route.  Même que les recommandations des thérapeutes (hautement qualifés) qui m'ont traité dans les jours précédents ont, au mieux, disaient ambigüe l'idée de prendre le départ.  L'arrivée était donc plus qu'incertaine, et ce, avant même la première foulée.  De fait, j'ai dû abréger l'expédition après 2h30 de course, soit après la piste cyclable de Boucherville.  J'aurais certainement pu terminer, avec une douleur atroce, la première journée en me rendant au moins à Sorel.  Or je n'aurais assurément pu compléter les deux ou trois jours suivants.  Cela ne signifie pas que je renonce au défi.  Au contraire.  J'ai plus fermement qu'avant la motivation et la conviction d'y arriver avec un relatif brio.  Ce ne sera que plus tard...

Mes "feelings" sont ambivalents par rapport à la situation, que j'hésite à qualifier d'échec.  Ce qui m'affecte le plus, c'est la déception que cela génère chez tous ceux qui suivaient l'aventure attentivement.  Je me sens un peu mal de ne pas avoir pu livrer la marchandise.  C'est vrai auprès des coureurs qui attendaient mon passage près de chez eux pour faire quelques kilomètres avec moi; c'est vrai des proches qui attendaient le résultat; c'est vrai du public en général qui me témoignait son encouragement avant le départ.  Mon estime personnelle est aussi un peu affectée.  Je ne suis pas, pour le dire ainsi, abonné aux échecs quand je m'engage dans un projet de course à pied.  En 20 ans, je n'ai jamais fait un DNF (did not finish) en compétition.  J'ai pour principe de terminer, coûte que coûte, une compétition où on s'aligne au départ.  On ne fait pas une course pour obtenir un résultat précis, mais pour puiser de soi-même le meilleur que les circonstances peuvent offrir.  Dans cette perspective, arrêter avant la fin, même si les choses ne se déroulent pas comme prévu ou selon un idéal, n'est pas une option.  Mon estime de moi est cependant intacte pour trois raisons.  Premièrement, une nuance nécessaire empêche de considérer l'expédition avortée comme un DNF: s'il avait été question d'une compétition, tel un marathon, je n'aurais même pas pris le départ.  Le calcul des risques m'auraient spontanément amené à conclure que "ce n'était pas jouable".  Là, j'avais à l'avance décidé que je prenais le départ de façon exploratoire compte-tenu de mon pied.  Autrement dit, je n'ai pris le départ du Mont-Royal que parce que la porte était ouverte pour un arrêt hâtif.  Si cette possibilité n'avait pas été claire dès le départ, alors je me serais abstenu de prendre un pareil risque.  Je n'encourage pas davantage le refus de se présenter au départ par peur de ne pas être à la hauteur que celle d'abandonner, mais je trouve tout de même plus honnête de ne pas s'engager que de briser un engagement -que ce soit de finir une course ou de quoique ce soit.  Deuxièmement, j'ai respecté la seule raison valable justifiant un abandon en cours de route: être blessé de façon à ce que la poursuite de la course implique une aggravation compromettant avec certitude la continuité des événements.  Ainsi, courir durant une journée complète sur mon pied blessé aurait non seulement empêché le succès du défi Montréal-Québec, mais aurait probablement rendu impossible les défis succéquents.  Troisièmement, l'échec n'en est un que du point de vue du concept de dodécathlon en ce sens que l'idée initiale est de réaliser un défi par mois.  Là, je dois "distortionner" le concept pour dire que, au fond, c'est maintenant de réaliser douze défis, donc en moyenne un par mois, ce qui veut idéalement dire de les répartir de façon mensuelle.  Je signale ainsi l'engagement de reprendre le défi à une date ultérieure cette année.  Ce sera en juin, septembre ou octobre.  Si le corps le veut, bien sûr. 

Je dois aussi ajouter que je peux être en paix avec le défi d'avril, avorté, pour une autre raison un peu plus subtile, mais peut-être aussi plus fondamentale.  C'est que l'une des motivations à l'origine du dodécathlon est d'expérimenter, comme célébration de ma vingtième année de pratique de la course, les facettes jusque là ignorées de ce sport qui me passionne.  A ce titre, ne pas ralier la ligne d'arrivée d'une épreuve où je prends le départ constitue une découverte, un apprentissage, une expérience que je n'avais pas vécu.  Il me reste maintenant à montrer que je peux rebondir de cela ou, si les choses continuent à mal aller, à témoigner de ma capacité à ne pas me laisser abattre par les revers.  Je crois être à la mesure de cela...   

Ceci dit, il y avait aussi des considérations pratico-pratique à interrompre plus tôt que tard.  Outre de ménager le pied afin de pouvoir envisager les défis des mois suivants, il y avait la sagesse de ne pas vider la réserve de nourriture prévue pour le défi.  Présentement, sur les 200$ de bouffe, je n'ai pris que 20$.  Tant qu'à arrêter, mieux vallait le faire de façon économique ! 

L'expérience du 6 avril aura par ailleurs été très instructive d'un point de vue logistique. 

Premièrement, avec mon père -véhicule et équipe de support- j'ai pu vérifier la partie complexe du trajet.  On s'est d'ailleurs, malgré notre planification, raté au premier point de rendez-vous après le pont Jacques-Cartier (merci Michel...) et nous avons ensuite eu un peu de difficulté au deuxième point de rendez-vous à la "disjonction" de la 132 et de la transcanadienne.  Maintenant, nous visualisons mieux les lieux, autant pour moi et les pistes cyclables que pour mon père et les autoroutes. 

Deuxièmement, je confirme qu'il me faut commencer prudemment, à un rythme conservateur de 5:30/km.  C'est d'autant plus vrai que les 10 premiers kilomètres sont ascendants et descendants. J'ai eu la belle surprise de voir Michel Cusson, coureur de Lasalle et du club Fleur de Lys, m'attendre à 6h30 sur le dessus du Mont-Royal pour prendre le départ avec moi.  Nous avons fait ensemble les 10 premiers kilomètres à un rythme organique, c'est-à-dire variable au gré du "feeling" du moment, soit en général plus près de 12 km/h (5:00/km) que de l'allure conservatrice que j'ai avantage à maintenir.  Lorsque j'ai arrêté, après 150 minutes, j'avais déjà quelques courbatures légères aux quadriceps.  Ce n'est tout de même pas "normal", pour moi habitué à de bien plus longues sorties en entraînement, d'avoir des mico-déchirures significatives à partir de 20 km...   C'est seulement là le signe que le vitesse de départ était un peu trop rapide compte-tenu des descentes impliquant des contractions excentriques.  J'aurais probablement payé le prix de ce départ "endiablé" en cours de première journée.   Un peu plus de sagesse et de retenue est de mise.  Je le sais maintenant. 

Troisièmement, j'ai vraiment conclus qu'il faut que je mange !  Mon plan alimentaire est adéquat, mais je ne peux déroger à celui-ci dans le sens d'une moindre absorbtion de calories.  Je puis dire cela en raison du sentiment de faim important qui m'a suivi dans les 24 heures qui ont suivies.  Il faut dire que, peu "amoché" par mon long jog du matin, je suis revenu à temps le vendredi pour faire, le soir, l'entraînement régulier du club d'athlétisme Kalenjins (dont je suis l'entraîneur).  Au total, le 6 avril dernier, j'ai fait 39 kilomètres, dont 8 x 1000m en intervalles.  Ainsi, en plus d'être courbaturé comme après un marathon, j'ai eu atrocement faim les jours suivants.  Qu'est-ce que cela sera quand je ferai, peu importe le rythme, 290 km en trois jours ?

Quatrièmement, je sais que ce sera à bien des moments agréable et plaisant de courir entre Montréal et Québec.  Si j'ai arrêté, ce n'est assurément pas par ennui.  Au quart de la première journée, j'avais encore "soif" d'avancer.  La promenade était douce, stimulante.  C'est "cool" de gambaber ainsi au pas de course.  Si ce n'était du pied, au niveau physique (musculaire et cardiovasculaire) je me sentais encore impéccable.  Il faisait beau, la ballade était bonne. 

Pourquoi ai-je donc interrompu ?  Parce que le pied faisait mal, trop mal.  Tout simplement.  Était-ce supportable ?  Bien sûr, au sens du philosophe grec Épicure qui nous rappelle que la douleur n'est rien puisque celle qui est longue est supportable et celle qui est brève (alors intense) ne dure guère longtemps.  Donc, dans tous les cas, inutile de s'en faire avec la douleur (elle passera vite ou elle est peu de chose).  La question n'était pas de savoir si, malgré les grimaces ou gémissements involontaires de douleur échappés ici et là à partir du 15e kilomètres, j'aurais pu continuer à avancer.  Bien sûr que j'aurais pu.  Le problème était plutôt de savoir durant combien de temps cela aurait été possible.  La réponse est: moins que le temps nécessaire pour rejoindre Québec, probablement; moins que celui requis pour mener à terme les défis des huits mois suivants, assurément.  Mon critère de décision avait d'ailleurs été fixé à l'avance: si la douleur était intermittente (ex: disparaît durant 10 minutes ou une heure pour revenir et repartir de plus belle, etc.), alors je continuais à avancer.  Si la douleur persistait durant plus d'une heure à chaque pas en augmentant progressivement, alors cela ne valait pas le coup de poursuivre compte-tenu de tout le reste de ce que j'ai pu expliquer jusqu'ici.  J'avais fait 15 km que je savais déjà que c'en était fait... 

Depuis, j'ai donc continué de soigner mon pied qui est, cependant, encore en piteux état.  J'ai tout de même pu encaisser, depuis le 6 avril, plus de 300km en entraînement.  C'est cependant encore très douloureux, à peine mieux malgré tous mes soins.  Mais il faut avancer vers les autres défis...

En ce sens, j'ai accru ma pratique du joggling (courir en jonglant).  Cela progresse bien.  Le seul hic, honnêtement, c'est d'arriver à ne pas échapper les balles !  Oui, je sais: un jongleur qui échappe ses balles n'est pas très impressionnant !  J'ai, depuis le défi Montréal-Québec, couru environ 80 km en jonglant.  Ma première sortie fut un 5 km en 50 minutes (incluant les descentes dans le fossé bordant la route pour ramasser les balles y ayant roulé...).  Ma meilleure performance fut, récemment, un 21 km en 2h00.  Autrement dit, au mieux, j'ai réussi à tenir 5:42/km.  Je suis loin de l'objectif d'une moyenne de 5:00/km.  Je ne suis pas encore impressionnant !  Par contre, je n'ai jamais tenté d'y aller à pleine vitesse.  J'ai seulement jogger en jonglant.  J'ai confiance que je peux faire mieux que 5:42/km.  On en saura plus dimanche prochain, 29 avril, à la course du cégep, jour du défi.  Tout ce que je peux vous promettre, si vous me permettez un jeu de mot douteux,   est de dire que quoiqu'il advienne "I'm gonna run with my balls !"    Le  dodécathlon continue, en effet.  The show must go on ! 

D'ailleurs, je dois déjà anticiper les futurs défis.  Par exemple, en vue de juillet, j'ai commencé à faire des séances d'intervalles de 400m.  J'en suis présentement à 20x400m.  Je mijote aussi les autres 5 km loufoques qui m'attendent en mai.  Tout cela, cependant, avec la conscience que je devrai être flexible (et mes supporteurs compréhensifs) du fait que j'aurai un nouvel enfant -un petit gars- d'ici quinze jours.  Avec deux poupons de moins de 2 ans et un travail à temps plein au cégep (eh oui, la grève a prolongé la session), les choses ne seront pas aisées.  Un nourrisson, ce sera ma façon de me préparer au défi de juin qui demande de demeurer éveillé durant toute une nuit...

mercredi 4 avril 2012

Un chemin de croix durant la semaine sainte ?

Dans mon dernier message, je prévenais qu'il se pouvait que je me plante sur la route Marie-Victorin.  C'était encore plus ironique que je ne le croyais, puisque ce qui pourrait m'arrêter est justement "botanique": ma plante de pied !  Plus exactement la zone d'insertion du jambier antérieur.  En raison de cela, durant la semaine de Pâques, je n'arpenterai pas les 14 stations d'un chemin de croix ! (l'allusion ne vient pas de moi, mais d'un coureur étudiant à l'UQTR qui m'a dit, sans réaliser la date prévue de l'aventure: "je trouve que tu as du guts de faire un chemin de croix"). 

Depuis une dizaine de jours, j'ai consulté deux fois en thérapie du sport, deux fois en osthéopathie et une fois en chiropractie pour, d'abord, mon problème de genou et, ensuite, mon problème de pied -le second étant une conséquence, par compensation, du premier.  Chaque fois, j'ai vu des professionnels compétents avec des savoirs-faire propre à la course à pied.

Au niveau du genou, j'ai obtenu trois avis différents !  Le thérapeute du sport de Sport-Médic me dit que c'est le nerf fémoral (donc une sorte de cruralgie); la chiro (coureur de niveau national) me dit que c'est plutôt le muscle couturier; l'ostéopate de chez Stadium (C.Berry) voit de son côté un désalignement de la rotule.  Une autre osthéopathe a, précédemment, la semaine dernière, identifié un paquet de petits mésalignements articulaires qui pouvaient contribuer au problème de genou.  Ça rend le problème compliqué, n'est-ce pas ?  Heureusement, le genou se porte déjà mieux en raison de tous ces traitements apportés et ceux que je puis apporter moi-même de mon côté (glace, étirements, auto-massage, crème, etc.).  Alors que, la semaine dernière, je ne pouvais pas courir plus de 3 minutes sans une vive douleur au genou, je puis aujourd'hui faire 20 km à bonne allure avant que n'apparaisse la douleur.  A basse vitesse, il se pourrait que je n'ai pas ou très peu de problème de genou.  Le problème est le pied.

En bons thérapeutes, il n'y a aucun qui m'a suggéré de prendre le départ de Montréal-Québec dans ces conditions.  Aucun n'a cependant dit que j'allais assurément causer des dommages à long terme non plus.  Autrement dit, l'évaluation des risques me revient.  D'ailleurs, j'en profite pour dire quelque chose: personne ne peut jamais, de toute façon, être le maître de notre propre corps.  C'est à chacun qu'appartient la responsabilité de son corps.  Personne ne peut m'empêcher ou me forcer à courir, la décision me revient. 

Dans mes vingts dernières années, j'ai eu la "chance" de connaître la plupart des blessures classiques affligeant les coureurs: périostites, bandelettes, fractures, entorses, claquages, métatarsalgies, élongations, fasciites plantaires, etc.  Si j'ajoute à cela les blessures plus particulières (déchirure du psoas, blocages de dos, problèmes d'orteils, etc.), alors la liste s'allonge à un point qu'il serait mal venu d'en faire l'énumération exhaustie ici.  Pourtant, sur 20 ans, en dehors des arrêts planifiés (phases de transition prévues), j'ai dû arrêter, en tout et partout, 14 mois.  Malgré toutes les douleurs ou blessures précédentes, je n'ai été forcé de prendre que 14 mois de repos, et ce, en incluant les jours où j'ai du sauté une simple séance et en excluant toutes les fois où j'ai pu faire du transfert (x-training: aqua-jog, elliptique, vélo...).  C'est donc moins que 14 mois de repos forcé sur plus de 200 mois.  A travers ce temps, j'ai fait plus de 50 000 km de course.  Cela m'amène à poser une question toute simple: est-ce que j'aurais pu courir autant si j'avais "écouté mon corps" au sens de lui donner un répit à chaque fois qu'il se plaignait par une blessure significative ?  Combien de fois ai-je été, consciemment ou non, à l'encontre des recommadations réelles ou probables d'un thérapeute ?  

S'il avait fallu que j'attende de ne pas avoir de problème pour courir, alors je n'aurais pas couru souvent...   Cela me convainc de prendre le départ ce vendredi matin, à 7h00, en haut du Mont Royal, en direction de Québec.

Par contre, "en direction de Québec" ne signifie pas la même chose "qu'à destination de Québec".  La nuance est que je m'autorise d'avance, exceptionnellement, compte-tenu de l'état de ma douleur, à abréger l'expédition.  S'il le faut, selon certains critères stricts prédéterminés, j'arrêterai aussitôt qu'au sortir du pont Jacques-Cartier.  Au mieux, je me rends au Château Frontenac, mais c'est là une cible à laquelle je ne puis penser à 48 heures du départ.

Si je me dois, pour cause de douleur au pied droit aïgue (dont l'aggravation pourrait compromettre sérieusement les prochains mois), alors j'aurais au moins fait un test spécifique de ce que sera le défi Montréal-Québec quand je m'y reprendrai durant l'année.  Autrement dit, si je ne réussi pas en avril, je prend déjà l'engagement de m'y reprendre plus tard... 

A tout le moins, tout est prêt au niveau logistique.  On verra.  Keep the faith.